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vendredi 10 juin 2011

Stress au travail : l'étonnant statu quo

Des salariés heureux mais stressés pour les deux tiers. L'Entreprise dévoile en exclusivité les résultats du 16è baromètre stress de la CFE-CGC avec OpinionWay. Surprise, depuis huit ans, les résultats n'ont quasiment pas bougé. Médecin et statisticien ne font pas la même analyse.
Marie-Madeleine Sève pour LEntreprise.com, publié le 07/06/2011
" Franchement, je m'attendais à pire ! ", explique Bernard Salengro, secrétaire national à la CFE-CGC chargé de la santé au travail, à l'analyse des résultats du 16ème baromètre sur le stress au travail, réalisé en mai 2011 (1), le premier datant de 2003. " Certains items s'améliorent. Une hirondelle fait-elle le printemps ? Oui. " Autre point de vue : celui de l'homme des statistiques, qui a diligenté l'enquête 2011, Laurent Bernelas, directeur de clientèle chez Opinion Way. " Le niveau de stress reste inchangé. Il est rare de voir des courbes sur huit ans, qui évoluent aussi peu. On n'est ni sur du stress massif, ni sur une catégorie de salariés sinistrés, pour autant le problème ne se résout pas. "
Heureux à leur job... Une première ! Le baromètre 2011 interroge sur le bonheur au travail. 80 % des sondés se déclarent heureux à leur poste. De surcroît, 60 % se disent motivés. Avec une nuance toutefois, plus on avance en ancienneté, moins on est heureux : seuls 76 % le sont après 20 ans de maison. " Mais il reste 20 % de cadres malheureux, pointe Laurent Bernelas. Ce n'est pas satisfaisant. "
...mais un stress évalué à 6,15. C'est la note moyenne attribuée par le panel sur l'échelle du ressenti du stress à leur poste, le chiffre 10 étant le pire. Une note identique à celle de 2003. Mais elle a connu des pics : 6,3 en mars 2008 et en octobre 2009 et 6,4 en novembre 2010. " Des effets de la crise, analyse Laurent Bernelas. On peut imaginer que cette période a ruiné les efforts de l'entreprise dans ce domaine. Mais aussi qu'il y a un réel écart entre un discours volontariste et les faits. On se préoccupe davantage de mesurer un climat social que d'engager des actions concrètes ". 6 reste toutefois une note, " qui laisse des séquelles durables " insiste Bernard Salengro. En clair, 67 % de cadres se disent stressés, parmi lesquels 30 % sont très stressés.
Une charge de travail encore élevée. Elle s'est alourdie pour 73 % des sondés contre 81 % en 2004. Un mieux donc. A noter que cette perception de la charge est plus aiguë avec l'âge : 84 % des plus de 50 ans, à cause de l'usure ou aussi d'une prise de recul plus grande. En revanche, 51 % des cadres estiment ne pas avoir assez de temps pour accomplir les tâches. Ils étaient 56 % en 2003. Ceci dit, les chiffres bruts ne disent pas tout. " Une charge de travail trop faible ou trop forte, mélangée à de la perte de sens ou à de la non-reconnaissance, c'est redoutable ", martèle Bernard Salengro.
Moyens-reconnaissance-soutien, rien ne bouge. C'est pourtant le triptyque clé pour agir sur le bien-être au travail, selon Laurent Bernelas. Là encore, les scores sont étales ou se gâtent un peu depuis huit ans : 67 % des interviewés estiment avoir les outils nécessaires pour travailler contre 73 % en 2003 ; 61% jugent avoir des objectifs réalistes, contre 63 % en 2003. En revanche, le résultat n'est pas si mauvais dés qu'on parle de reconnaissance : 49 % se sentent reconnus, contre 52 % en 2003. Mais on est sur un effet de résignation selon le statisticien. Quant aux isolés, ils sont un peu moins nombreux : 23 % des sondés ne sont pas soutenus par leurs collègues contre 25 % en 2003.
Moins de souffrance liée aux " contraintes émotionnelles ". Les facteurs de stress au travail ne changent guère, et l'enquête pointe plutôt des améliorations en un an. Dans la catégorie " relation ", 41 % des cadres se disent confrontés à des clients agressifs (- 2 points par rapport à mai 2010), 18 % vivent un harcèlement moral (- 4 points), 17 % subissent critiques et remontrances devant leurs collègues (- 3 points). Dans la catégorie " émotion ", 38 % se sentent mal jugés (- 7 points), 31 % ses sentent en concurrence avec leur collègues (- 5 points), 31 % craignent de perdre leur emploi (- 1 point).
L'entreprise renâcle à agir. Certes entre 2004 et 2011, la part des sondés qui estime que leur entreprise se soucie de stress a quasi doublé. Elle est passée de 14 % à 22 %. " Toutefois, relève l'expert d'Opinion Way, si les actions avaient été formidables, on aurait un " oui " plus clair. Or, on à 4 % de " oui tout à fait ", et 18 % de " oui plutôt ". Un arbre qui cache la forêt des problèmes. Malgré une prise de conscience, on peut douter de l'efficacité des actions. " On fait des rapports, des enquêtes bien-être, on discute. Mais les pouvoirs publics sont dans l'incantation. Et les accords signés sur le sujet restent bidons, fustige Bernard Salengro. Les DRH ne comprennent pas ce qui se passe. Ils ne voient la profondeur de la mutation sociale. Et renvoient tout ça sur l'insuffisance des personnes ".
(1) enquête réalisée par l'Institut OpinionWay entre les 3 et 9 mai auprès d'un échantillon représentatif de 1006 cadres actifs. A noter que les résultats mêlent les stress positif et négatif.

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